IDYLLES

Concert orchestre

 CHAPELLE EXPIATOIRE
29 rue Pasquier, Paris 8

Samedi 16 Juin | 19H
Durée : ~70′

Secession Orchestra │ orchestre
Clément Mao – Takacsdirection

En partenariat avec le Centre des Monuments Nationaux

Chabrier, Chopin, Debussy, Holmès, Mahler, Ravel, Schönberg, Schumann, Scriabine

« Entre ses enfants, sa maison, le mari aimé et respecté, elle goûte un bonheur à peu près sans mélange. Ce tableau idyllique mérite d’être examiné de plus près… (…) Qu’arriverait-t-il si Pierre cessait d’aimer Natacha ? »
Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe

C’est un lieu bucolique à souhait, pastoral à l’envi, une Nature paradisiaque et favorable à l’homme, qui forme le cadre de l’idylle ; on ne s’y occupe de rien, sinon de conter fleurette, de soupirer en apprenant la complexe Carte du Tendre, d’y laisser libre cours à son humeur, exubérante, élégiaque ou contemplative, mais toujours – ô comble du lyrisme – centrée sur soi-même. C’est tout le sens de l’églogue de Debussy d’après Mallarmé, cet onanisme mental et physique d’un Faune narcissique préoccupé par ses seuls désirs.

Comme tout est beau, comme tout est merveilleux dans l’idylle ! Tout fleurit comme par enchantement, les ramures se penchent pour caresser les fronts qu’une douce brise rafraîchit… Justement, le tableau est trop parfait, et la naïveté de la vision ne saurait celer la fadeur mièvre qui s’en dégage, comme ce besoin trop humain de croire que cette perfection était de ce monde ; or l’idylle se résout le plus souvent par des larmes, se solde par un dur retour à la réalité. Peut-être est-ce là sa raison d’être : la nécessaire confrontation d’un être avec le réel, la prise de conscience de son autarcie et de son autisme affectifs, l’erreur salvatrice permettant d’écarter les voiles si confortables de l’illusion.

Précisément, évoquer l’idylle, c’est rechercher la fêlure dans la coupe d’or, comprendre pourquoi ce qui paraissait idéal n’était qu’un leurre. Cette joliesse archaïsante, ces charmantes vignettes colorées, coloriées, colorisées, que nous cèlent-elles ? Quel mal de vivre, quelles déceptions, quelles blessures ? Ce qui paraissait évident au début se dégrade peu à peu, la légende et les clichés laissent apparaître, par bribes puis par vagues toujours plus insistantes des instantanées d’une histoire violente, des souvenirs douloureux et lancinants.

Le genre de l’idylle ne serait-il pas le dernier refuge d’une ironie subtile ? L’idylle nous enseigne que rien en ce monde ne peut atteindre cette plénitude d’un âge d’or, et qu’il convient de tempérer nos joies comme nos désespoirs. L’idylle nous met en garde, fronde les schémas bien-pensants d’une société sclérosée, offre un possible contre-pouvoir à qui sait la décrypter. A travers des pièces concises, aphoristiques, qui font mouche à chaque fois, se fait jour un art de la critique ; et sous ses dehors « charmants », il semble bien que l’idylle puisse être une arme redoutable, à la manière de ces « canons cachés sous les fleurs » que Schumann pressentait chez Chopin.