MUSIQUE EN PLEIN AIR

concert champêtre

Platière
Boutigny-sur-Essonne

Vendredi 22 Juin | 15H
Suivi à 16H d’une dégustation de glaces & sorbets

Musiciens de Secession Orchestra

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,

Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :

Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.

Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :

Mais l’amour infini me montera dans l’âme,

Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,

Par la Nature, – heureux comme avec une femme.

Arthur Rimbaud, Sensation

Tout luit, tout bleuit, tout bruit,

Le jour est brûlant comme un fruit

Que le soleil fendille et cuit.

Chaque petite feuille est chaude

Et miroite dans l’air où rôde

Comme un parfum de reine-claude.

Du soleil comme de l’eau pleut

Sur tout le pays jaune et bleu

Qui grésille et oscille un peu.

Un infini plaisir de vivre

S’élance de la forêt ivre,

Des blés roses comme du cuivre.

Anna de Noailles, Chaleur

Le concert champêtre. C’est une toile qu’on peut voir au Louvre, non loin de la célèbre Joconde ; peu de gens lui accordent l’attention qu’elle mérite – elle échappe en tout cas à la rapacité du touriste en mal de selfies jocondiens… Ce qu’on y voit ? Rien qu’une scène très banale : dans un paysage bucolique, deux hommes en habits – dont l’un joue du luth ou de la mandorle –, et qui semble se concerter à voix basse ; plus près de nous, deux femmes nues, l’une de dos, l’autre de face, l’une debout, l’autre assise, l’une versant une cruche dans un puits, l’autre portant une flûte à ses lèvres ; au loin, des brebis, un âne, un berger, et l’un de ces fonds bleuissants comme seuls les peintres de ce temps les savaient faire. De ce tableau, on peut tirer plusieurs interprétations : le lire littéralement comme une scène de plaisirs – notamment musical – en pleine campagne ; y voir de multiples allégories ; y faire simultanément coïncider le visible et l’invisible – les femmes matérialisant les aspirations des hommes, à moins que ce ne soit l’inverse… On ne sait même pas à qui attribuer ce tableau – à Giorgione, à Titien, aux deux ? Mais le plus fascinant demeure : c’est la musique de ce tableau. La toile silencieuse nous fait entendre les cordes pincées, le son de la flûte, le froissement d’une étoffe, le bruit de l’eau déversée dans le puits, le murmure des conversations, le chant des oiseaux, le bruissement des feuillages, le bêlement d’un agneau, cette vibration d’un jour de chaleur et pourquoi pas, au loin, la menace sourde d’un orage ; on y entend même, avec un peu d’imagination, le glissement soyeux des pinceaux sur la toile. Cette toile nous enseigne que le son est partout, que tout est musique pour qui sait entendre, pour qui sait attendre. Et ici, à Boutigny, nous allons à nouveau mêler les sons de la nature aux sons des instruments, comme un rituel propitiatoire : et si le bois de la harpe ou du violon se souviennent de leur existence antérieure d’arbre plantés en terre, qui sait s’ils ne frémiront pas ? Qui sait si, lorsque les cuivres feront résonner un très ancien hallali, les animaux ne se tairont pas soudain tandis que les chaudes couleurs métalliques rappelleront le chant et le martèlement du forgeron ? Qui sait si le roseau du hautbois ne s’attendrira pas près de la mare où poussent d’autres filles-fleurs, et se rêvera nymphe – Syrinx métamorphosée sous les yeux du dieu Pan ?